Quand le travail se met en transition, ça tiraille ! Entretien avec Maud Grégoire

C’est en cherchant, chacun, plus de liberté et d’autonomie dans notre travail, que nous nous sommes rencontrés, mis à coopérer et avons créé Bien fait pour ta Com’. Notre histoire a intéressé Maud Grégoire, alors doctorante en sciences de gestion, et nous avons servi de terrain d’étude pour nourrir sa thèse sur “l’autonomie et le travail non-subordonné en coopérative d’activité et d’emploi”. Aujourd’hui, nous inversons les rôles. Nous avons demandé à Maud de revenir sur le sens historique et social de certaines notions. Au-delà de leur simple définition, Maud met en lumière les enjeux et les limites de leurs évolutions. Résumé de nos échanges.

Salariat versus entrepreneuriat 

L’imaginaire du travail a beaucoup changé au cours de notre histoire, bataillant entre deux idéaux : celui du salarié avec un emploi stable et sécurisé versus celui de l’entrepreneur libre et indépendant. Comme le rappelle Maud, l’aspiration au salariat est un phénomène relativement récent : “Du Moyen-Âge jusqu’au XXe siècle, ce que l’on appelle aujourd’hui le salariat était considéré comme une condition transitoire, voire même dégradante, et c’est le modèle du petit patron, de l’artisan, qui était valorisé”. Si le modèle salarial s’est généralisé et a permis le développement de nombreux droits sociaux, il est remis en cause dans les années 1970, avec le ralentissement de la croissance. L’entrepreneuriat devient pour les pouvoirs publics un moyen de lutte contre le chômage, enrobé de “discours positifs autour de l’entrepreneuriat, l’associant à la liberté, l’indépendance, le dynamisme, la modernité etc.”. Aujourd’hui, ces messages circulent toujours et “l’une des idées phares de la pensée néolibérale qui infuse toute la société, c’est que chaque individu devrait être un “entrepreneur de lui-même”.

Autonomie aliénante

Dans cette quête de liberté dans le travail, nous rencontrons de plus en plus le terme d’autonomie. S’appuyant cette fois sur la psychologie du travail, Maud explique que “l’autonomie est effectivement un élément crucial du bien-être des travailleurs : l’autonomie permet de s’approprier son  travail, d’avoir une certaine maîtrise de la production, de construire son identité de travailleur etc.” Néanmoins, un mot peut vite devenir un mot valise et laisser place à diverses dérives. Maud nous alerte : “On assiste davantage au déplacement des contraintes qu’à leur diminution.” Quand la finalité est d’augmenter les performances, d’être plus flexibles, autonomie peut se traduire par “salariat déguisé” ou “auto-management”… avec tous les risques que cela entraîne, dont celui qui se développe le plus ces dernières années : le burn-out.

Coopérer, c’est résister !

Comment alors faire contrepoids à ces tendances ? Par la coopération ? Car oui, la coopération est, elle aussi,  un élément essentiel du bien-être au travail : “l’entraide, la solidarité et la réciprocité constituent des cadres propices à l’émancipation”. Pourtant, Maud nous invite à rester vigilants : “Beaucoup de projets coopératifs sont rattrapés par l’injonction à la performance et la mise en concurrence, par l’ambition et le carriérisme de certains membres, par la hiérarchisation du travail et la subordination – c’est ce que l’on appelle la dégénérescence coopérative.”

Ce que l’on retient de notre entretien ? Dans un contexte et un environnement en pleines transitions, nous ne pouvons passer à côté d’une nouvelle culture du travail. Une culture où le travail est émancipateur et coopératif. Une culture critique qui analyse ses potentielles dérives. Et une culture qui rendra possible toutes les autres transitions : sociale, économique et environnementale.

Lien vers l’entretien complet : à retrouver ici !

Maud Grégoire, docteure en sciences de gestion

Pour aller plus loin, voici une petite sélection d’articles écrits par Maud Grégoire :

Et une bibliographie inspirante sur la thématique :

  • Scions… travaillait autrement ? de Michel Lulek sur l’expérience d’Ambiance Bois
  • Faire société de La Manufacture Coopérative
  • Bienvenue dans le nouveau monde, comment j’ai survécu à la coolitude des start-ups de Mathilde Ramadier

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